Caricatures
D’après Barbara Stentz, la caricature est un dessin percutant et partisan dont la finalité consiste à provoquer, choquer, ridiculiser ou stigmatiser une situation ou une personne. Le mot caricature est souvent synonyme de dessin de presse ou de dessin satirique. Pour simplifier nous désignerons tous ces genres sous le même vocable : caricature. La caricature vise trois objectifs principaux :
- Le divertissement,
- Le commentaire politique et social,
- La propagande.
Comme on va le voir, Cappiello nous a laissé de nombreuses caricatures dans ces trois types :
Le divertissement
Dés la fin de ses études il publie en 1896, un premier album de dessins de la bonne société livournaise en tenue estivale : « Lanterna Magica, Estate ». Livourne était à cette époque une station balnéaire réputée et permettait à Cappiello d’y trouver des personnages intéressants à croquer. Il nous en fait des représentations réalistes sans exagération ni grossièreté. Son style est dépouillé : de simples traits avec un léger lavis d’aquarelle.
Au printemps 1898, il vient à Paris voir son frère. Il nous raconte ses débuts de caricaturiste parisien :
« …je perdais agréablement mon temps à Livourne, lorsqu’en 1898 je formai le projet de venir à Paris, non pour travailler, mais pour voir mon frère, qui était à la Bourse. Je voulais passer avec lui un mois au moins, le temps de connaître votre capitale. J’allai quelquefois à la Bourse ; j’y vis de bonnes têtes que je m’amusai à dessiner. Ces caricatures que mon frère montra à ses amis firent leur étonnement. On me félicita et je goûtai la joie de ce succès, pour ainsi dire, en famille, sans penser à élargir le cercle de mes expériences, de mes relations, sans ambitionner une gloire plus retentissante. Du reste mon père mourut vers ce même temps ; je revins à Livourne. Mais Paris m’avait conquis – si je n’avais pas conquis Paris – et je me retrouvai bientôt flânant sur les boulevards ».
Un jour j’y rencontrai Puccini. Exclamations de surprise, poignées de mains (NDLR : Puccini était toscan comme Cappiello et se connaissaient bien). Bras dessus, bras dessous, nous allons au café le plus proche… C’est l’apéritif du succès.
On bavarde comme des gens qui ont un arriéré de questions à poser. Puccini me demande ce que je deviens. «- ma foi, pas grand-chose, lui dis-je. J’ai déjà dessiné quelques caricatures pour des amis ; je voudrai maintenant en servir d’autres au public parisien. Mais qui prendre pour sujet ? Je ne connais personne ; et ne suis-je pas obligé, pour que mon essai réussisse, de choisir des types du Tout-Paris ?
Les prédécesseurs de Cappiello réalisaient leurs caricatures en utilisant la technique de l’accentuation, voire de la déformation de traits physiques réels. On se souvient du nez du comte d’Argout, du strabisme de Felix Barthe, de la tête en poire de Louis-Philippe. A force, les lecteurs se lassent et le style nouveau de Cappiello repris un peu plus tard à sa façon par Sem, sera pleinement apprécié du public. Laissons Cappiello nous le présenter : «Pour fixer le ridicule des gens dans un dessin ou dans un écrit, il n’est pas nécessaire de l’exagérer, il suffit de le montrer.» Dans son article «Comment j’attrape la ressemblance» paru le 1er mai 1914 dans «Lecture pour tous», il écrit : «Derrière la personne physique de celui ou celle dont j’aspirais à établir le portrait, j’entrevoyais une sorte de fantôme, qui était son caractère, sa personne morale, une sorte d’ensemble plus quintessencié de ce qui constituait sa personnalité. L’esprit m’intéressait plus que le corps. Le sourire m’impressionnait plus que la forme de la bouche, le regard plus que la forme de l’œil.» Il donne en exemple les caricatures de Jeanne Granier et Marthe Mellot et dit : «J’ai tracé avec un grand trait long les yeux de la première qui, tout étincelants d’esprit et de vivacité qu’ils soient, restent en réalité plutôt petits ; et d’un petit point ceux de la seconde, lesquels sont magnifiquement grands. Vous voyez que j’ai, de la sorte, dessiné bien plus le regard que l’œil et je n’ai pas échoué dans cette tentative, puisqu’on a bien voulu accorder quelque ressemblance à ces deux effigies.
Le commentaire social
Cappiello, observateur, s’est autorisé au commentaire social. En qualité d’émigré italien, il ne pouvait se permettre de faire des commentaires politiques. Il publia quelques dessins dans l’Assiette au Beurre en 1901 et en novembre 1902 il réalisa le numéro exceptionnel de la même revue qu’il intitula «Gens du monde». En 22 dessins, il dénonce les travers de la bourgeoisie notamment l’adultère, la légèreté des femmes et l’argent. Il s’intéressa à l’affaire Humbert.
La propagande
A la fin du siècle la caricature s’est fortement développée. Non seulement les journaux satiriques nouveaux ne se comptent plus, mais les caricatures ne sont plus reproduites uniquement dans les journaux et les albums, elles commencent à envahir les murs et les palissades. Les premières affiches de Cappiello datent de 1899. Il y consacrera de plus en plus de temps et abandonnera le dessin de presse en 1905. Ses caricatures ne se retrouvent plus que sur les affiches sauf pendant la grande guerre. Son aversion pour l’ennemi l’incite à publier de 1915 à 1917 de nombreux dessins de presse anti-germaniques dans La Baïonnette. Le style de ses dessins change complètement et devient très agressif. Ce qui dénote fortement avec le caractère de Cappiello qui était plutôt mesuré.
Le passage à l’affiche
Il mettra en affiche de nombreux artistes comme : Hélène Chauvin, Odette Dulac, Réjane, Louise Balthy, Gyp, Monna Delza, Polaire, Cora Brown-Potter, France Maillane, Sacha Guitry, Mistinguett, Jane Renouardt, Conchita Supervia et bien d’autres. Mais nous nous arrêterons tout particulièrement sur l’affiche des Nouilles – Macaronis FERRARI qui met en scène de nombreux acteurs du « show bizz » de l’époque (1903). On reconnaîtra de gauche à droite : Mounet Sully, Eve Lavallière, Coquelin Ainé, Réjane, Albert Brasseur, Charles Le Bargy, Jeanne Granier, Lucien Guitry, Coquelin Cadet et Marthe Brandès. Évidemment ces acteurs n’avaient aucun rapport avec les pâtes FERRARI, mais quelle audace en 1900 d’associer des artistes très connus avec un produit alimentaire. Aujourd’hui c’est une pratique courante en publicité mais à l’époque ce fut une première. Si vous voulez voir d’autres caricatures de Cappiello, allez vers la page « Liens » , dans la rubrique « Musées en ligne » et cliquez sur le lien vers le Musée du Louvre